LES DOSSIERS DU CANARD ENCHAÎNE

Avril 2014 n° 213

 

ln memoriam

Les maux de la fin
 

Reposer en paix n'est pas donné, surtout quand on se fait arnaquer.

 

 

       Avec 572 000 décès l'an dernier, le business du funéraire affiche un chiffre d'affaires de 2,3 milliards d'euros. A lui seul, le mastodonte OGF, qui regroupe les fameuses Pompes funèbres générales et d'autres enseignes en province, croque près d'un quart du marché de la mort.

 

       Les 3 000 entreprises qui se partagent le pactole exercent une délégation de service public, mais disposent d'une totale liberté pour fixer leurs tarifs. Et, bien souvent, le repos éternel des uns marque un début de soucis pour ceux qui restent. « La famille et les proches sont désemparés, vulnérables, ils veulent faire au mieux en allant au plus vite mais ne connaissent rien des pratiques et des formalités. Pas étonnant que les arnaques pullulent », déplore Michel Kawnik, qui a fondé en 1992 l'Association française d'information funéraire (Afif). Sa mission : aider les personnes confrontées à un deuil dans leurs démarches afin de traquer petites magouilles et grosses escroqueries.

 

       Illustration avec cette dame qui avait contracté une assurance de 10 000 euros auprès d'une entreprise parisienne pour s'assurer des obsèques de grand luxe. A son décès, sa fille se voit réclamer deux chèques de caution de 5 000 euros ... qui seront aussitôt encaissés. Mieux, l'entreprise demande la même somme au notaire de la défunte. Facture : 30 000 euros, soit dix fois le coût moyen des obsèques! S'ensuivra un casse-tête pour obtenir le remboursement des sommes indûment perçues.

       Détail accessoire : bien que toujours en activité, ladite entreprise avait vu suspendue son habilitation par la préfecture de police, en août 2012. Un an plus tôt, son gérant avait en effet été condamné en appel à une peine de 4 mois de prison avec sursis et à devoir indemniser 12 clients pour « tromperie ».

 

       Censés garantir des funérailles « all inclusive », les contrats obsèques ne sont pas la panacée. Au moment du décès, une compagnie d'assurances verse un capital à une entreprise funéraire. Mais les tarifs de cette dernière ont pu bondir entre-temps, ce qui oblige les ayants droit à remettre au pot. Certains assureurs (dont la Sogepac, filiale de la Société Générale) se sont aussi fait taper sur les doigts car ils refusaient de verser le capital prévu en l'absence d'un certificat, établi par le médecin traitant, précisant les causes exactes de la mort. Problème : les médecins se refusent à rédiger de tels certificats, car ils violeraient alors le secret médical.

 

       Lors d'un décès, les croque-morts insistent souvent pour transférer le défunt dans une chambre funéraire, facturée très cher. Or 80 % des décès surviennent à l'hôpital, qui est tenu de conserver le corps gratuitement durant trois jours. « Rien ne presse. Le trépassé ne va pas s'enfuir ... Il faut prendre le temps de contacter plusieurs entreprises et de comparer leurs tarifs », recommande Michel Kawnik.

 

       Autre astuce classique à laquelle ont recours les entreprises peu scrupuleuses: facturer des soins dits «de présentation »,«somatiques,» ou « de thanatopraxie », présentés comme obligatoires alors qu'il ne le sont nullement. Exemple: l'injection de 10 litres de produits formolés pour conserver le corps jusqu'à l'enterrement coûte de 300 à 500 euros. Face à des familles tétanisées, certains croque-morts affirment qu'à défaut « le corps va se liquéfier ». Comportement odieux, mais ça marche.

 

       Avec cet argument massue : « La vie est déjà tellement chère, la mort ne doit pas l'être », les obsèques low cost sont à la mode. Mais, pour 800 euros, le cercueil est juste livré. Aux proches de procéder à la mise en bière et de porter sur leurs épaules le cher disparu jusqu'à sa dernière demeure. Enfin, la tendance est au « éco responsable », dont le bois est issu de forêts « durablement gérées » et la finition garantie « sans solvant, composée d'une teinte à l'eau et de cire appliquée manuellement ». Plus cher qu'un cercueil classique, mais c'est le prix à payer pour rester encore vert après la mort.


 
 
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Association Française d'Information Funéraire