Le défi d’Alexandra : J’ai testé les pompes
funèbres
Je me suis rendue dans plusieurs établissements
de pompes funèbres pour préparer des obsèques. En expliquant la même
histoire, les devis varient pourtant du simple au double
Les devis se sont
échelonnés de 3.753 € à 7.298 € : du simple au double France Soir
La mort a un coût, mais à géométrie variable. C’est ce que j’ai
constaté en comparant les prix de quatre établissements funéraires à
Paris, la mine éplorée et en prétextant le décès d’un proche (*).
L’occasion de vérifier si, comme la loi les y oblige depuis le
1er janvier, les opérateurs des pompes funèbres fournissent bien un
devis gratuit et détaillé, lisible et identique dans leur
présentation. Non seulement ces points ne sont pas toujours bien
respectés, mais surtout les tarifs proposés s’envolent vite si on ne
prête pas attention. Les devis se sont échelonnés de 3.753 € à 7.298
€ : du simple au double. Pire : tous m’ont assuré qu’il fallait
absolument payer pour certaines prestations en réalité facultatives,
comme la présence d’un maître de cérémonie, ou les soins de
conservation du corps. « C’est
de la vente forcée et c’est un chantage inacceptable », dénonce
l’Association française d’information funéraire.
CAHEN ET CIE : 7.298 €
Le décor du magasin, en marbre gris, a le charme d’un bureau de
proviseur d’un pensionnat des années 1950. La dame qui me reçoit,
d’un certain âge, est sèche et peu avenante. Je demande : « Les
soins de conservation sont-ils obligatoires ? » Elle me regarde
effarée. « C’est
simple, sans soins, nous ne pourrons pas nous occuper de votre cas. »
Illégal. Elle ne me présente que les cercueils en chêne et en
acajou. Les prix sont élevés. Je lui demande si elle a du pin, le
moins cher. Elle fait la moue. « Du
pin ? Hum. Oui, nous en avons, effectivement. » Elle me montre
deux modèles. Je me rends compte après coup que le devis n’est pas
suffisamment détaillé et ne distingue pas l’optionnel de
l’obligatoire. Par exemple le cercueil et ses accessoires me coûtent
2.275 €, mais elle n’a pas inscrit le prix de chaque élément.
Difficile de s’y retrouver.
SERVICES FUNÉRAIRES PARIS : 3.753 €
Le vendeur me donne l’impression que je le dérange. Il me regarde
à peine lorsqu’il me pose des questions pour établir son devis.
J’explique que le corps est toujours au domicile, il tique :
« Vous comptez le
laisser là ? Cela ne me regarde pas, mais j’ai toujours trouvé ça
assez étrange de garder le corps. Vous ne voulez pas le mettre en
funérarium ? » Je me renseigne sur les tarifs pour déplacer le
corps en chambre funéraire : le coût supplémentaire est de presque
500 €. Je refuse. Il pince les lèvres. Je demande si la présence du
maître de cérémonie, facturée 173 €, est indispensable. Il semble
interloqué. « Tout de
même, il faudra quelqu’un pour diriger l’assistance et le service
funèbre ! » Cette prestation n’est pas obligatoire.
MARCEL SCHMIT : 4.141 €
Après quelques minutes d’entretien, la commerçante me prie de
patienter et part s’enfermer dans son bureau, sans explication.
Quinze minutes après, elle revient avec deux devis différents, l’un
comprenant la construction d’un caveau, l’autre comprenant la simple
mise en terre. Le devis ne correspond pas exactement aux prestations
que je désire et que je n’ai même pas eu le temps de lui demander. « On
fonctionne toujours comme cela, en mettant des services par défaut.
Si vous choisissez notre enseigne, on rectifiera. Là, c’est une
simple estimation. » Le devis sera donc très loin de la
réalité. Il est très descriptif, un bon point, mais certaines
informations, noyées dans la masse, m’échappent. Comme le fait
qu’une housse sanitaire biodégradable me soit facturée 80 €.
POMPES FUNÈBRES GÉNÉRALES : 4.215 €
La vendeuse est souriante, très compatissante. En m’établissant
le devis, elle tente d’emblée de réduire certains coûts. Elle sort
d’abord de son tiroir un catalogue intitulé « Economique ».
« Ma hiérarchie
m’interdit de le montrer aux clients, mais j’essaye de le proposer
systématiquement. Les obsèques sont déjà assez chères comme ça ! »
Elle me désigne spontanément un cercueil en pin. La différence de
prix avec le chêne avoisine les 300 €. Je lui signale que ses
concurrents ont été moins arrangeants. Elle soupire. « Cela
ne m’étonne pas. Je suis nouvelle dans la profession, et pour
l’instant je tiens à rester humaine, même si il s’agit d’un acte
marchand. » Le prix final est assez élevé. Elle s’en excuse et
me promet d’essayer de faire mieux si je reviens. En revanche, pour
ce qui est du convoi funéraire, elle me facture quatre porteurs et
un chauffeur, là où d’autres ne me facturaient que trois porteurs et
un chauffeur.
(*) Pour une inhumation en pleine terre, avec
l’achat d’une concession pour trente ans au cimetière parisien de
Thiais.