FRANCE-SOIR
 

 2 février 2011

 

Société


Le défi d’Alexandra : J’ai testé les pompes funèbres

Je me suis rendue dans plusieurs établissements de pompes funèbres pour préparer des obsèques. En expliquant la même histoire, les devis varient pourtant du simple au double

 

Les devis se sont échelonnés de 3.753 € à 7.298 € : du simple au double
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La mort a un coût, mais à géométrie variable. C’est ce que j’ai constaté en comparant les prix de quatre établissements funéraires à Paris, la mine éplorée et en prétextant le décès d’un proche (*). L’occasion de vérifier si, comme la loi les y oblige depuis le 1er janvier, les opérateurs des pompes funèbres fournissent bien un devis gratuit et détaillé, lisible et identique dans leur présentation. Non seulement ces points ne sont pas toujours bien respectés, mais surtout les tarifs proposés s’envolent vite si on ne prête pas attention. Les devis se sont échelonnés de 3.753 € à 7.298 € : du simple au double. Pire : tous m’ont assuré qu’il fallait absolument payer pour certaines prestations en réalité facultatives, comme la présence d’un maître de cérémonie, ou les soins de conservation du corps. « C’est de la vente forcée et c’est un chantage inacceptable », dénonce l’Association française d’information funéraire.


CAHEN ET CIE : 7.298 €

Le décor du magasin, en marbre gris, a le charme d’un bureau de proviseur d’un pensionnat des années 1950. La dame qui me reçoit, d’un certain âge, est sèche et peu avenante. Je demande : « Les soins de conservation sont-ils obligatoires ? » Elle me regarde effarée. « C’est simple, sans soins, nous ne pourrons pas nous occuper de votre cas. » Illégal.
Elle ne me présente que les cercueils en chêne et en acajou. Les prix sont élevés. Je lui demande si elle a du pin, le moins cher. Elle fait la moue. «
 Du pin ? Hum. Oui, nous en avons, effectivement. » Elle me montre deux modèles. Je me rends compte après coup que le devis n’est pas suffisamment détaillé et ne distingue pas l’optionnel de l’obligatoire. Par exemple le cercueil et ses accessoires me coûtent 2.275 €, mais elle n’a pas inscrit le prix de chaque élément. Difficile de s’y retrouver.


SERVICES FUNÉRAIRES PARIS : 3.753 €

Le vendeur me donne l’impression que je le dérange. Il me regarde à peine lorsqu’il me pose des questions pour établir son devis. J’explique que le corps est toujours au domicile, il tique : « Vous comptez le laisser là ? Cela ne me regarde pas, mais j’ai toujours trouvé ça assez étrange de garder le corps. Vous ne voulez pas le mettre en funérarium ? » Je me renseigne sur les tarifs pour déplacer le corps en chambre funéraire : le coût supplémentaire est de presque 500 €. Je refuse. Il pince les lèvres. Je demande si la présence du maître de cérémonie, facturée 173 €, est indispensable. Il semble interloqué. « Tout de même, il faudra quelqu’un pour diriger l’assistance et le service funèbre ! » Cette prestation n’est pas obligatoire.


MARCEL SCHMIT : 4.141 €

Après quelques minutes d’entretien, la commerçante me prie de patienter et part s’enfermer dans son bureau, sans explication. Quinze minutes après, elle revient avec deux devis différents, l’un comprenant la construction d’un caveau, l’autre comprenant la simple mise en terre. Le devis ne correspond pas exactement aux prestations que je désire et que je n’ai même pas eu le temps de lui demander. « On fonctionne toujours comme cela, en mettant des services par défaut. Si vous choisissez notre enseigne, on rectifiera. Là, c’est une simple estimation. » Le devis sera donc très loin de la réalité. Il est très descriptif, un bon point, mais certaines informations, noyées dans la masse, m’échappent. Comme le fait qu’une housse sanitaire biodégradable me soit facturée 80 €.


POMPES FUNÈBRES GÉNÉRALES : 4.215 €

La vendeuse est souriante, très compatissante. En m’établissant le devis, elle tente d’emblée de réduire certains coûts. Elle sort d’abord de son tiroir un catalogue intitulé « Economique ». « Ma hiérarchie m’interdit de le montrer aux clients, mais j’essaye de le proposer systématiquement. Les obsèques sont déjà assez chères comme ça ! » Elle me désigne spontanément un cercueil en pin. La différence de prix avec le chêne avoisine les 300 €. Je lui signale que ses concurrents ont été moins arrangeants. Elle soupire. « Cela ne m’étonne pas. Je suis nouvelle dans la profession, et pour l’instant je tiens à rester humaine, même si il s’agit d’un acte marchand. » Le prix final est assez élevé. Elle s’en excuse et me promet d’essayer de faire mieux si je reviens. En revanche, pour ce qui est du convoi funéraire, elle me facture quatre porteurs et un chauffeur, là où d’autres ne me facturaient que trois porteurs et un chauffeur.

(*) Pour une inhumation en pleine terre, avec l’achat d’une concession pour trente ans au cimetière parisien de Thiais.

 

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