LE PARISIEN - édition de Paris -
OBSÈQUES : UN SECTEUR QUI RAPPORTE
1er novembre 2006
« Une facture
extravagante »
Elisabeth P. , 60
ans, cadre dans un cabinet d'expert-comptable
« En 1992, la société
Pompes funèbres Rive gauche avait démarché mes deux cousins et ma
grand-tante pour qu'ils ouvrent un plan épargne obsèques, raconte
Elisabeth P.. Ce contrat avait été signé auprès d'une compagnie
d'assurances et chacun de mes parents avait versé 27.000 F, soit
l'équivalent de 4.115 €, en capital initial, représentant le prix, à
l'époque, pour leurs propres obsèques et les prestations qu'ils
souhaitaient » Dans
ce contrat, l'entreprise les Pompes funèbres Rive gauche est désignée
comme premier bénéficiaire des fonds (et intérêts) versés sur ce compte,
jusqu'à concurrence du prix des obsèques au moment du décès des
contractants. Les héritiers étant bénéficiaires du reliquat du compte,
ou débiteurs, si la somme ne suffit pas à couvrir la facture.
« Aucune
possibilité de discuter des prix »
« Mes cousins avaient
déjà eu beaucoup de mal, lors du décès de leur mère en 1993, à récupérer
le reliquat entre le montant du contrat et la valeur de la facture.
Ensuite, lors de la mort de mon premier cousin en 2003, j'ai demandé la
facture auprès des PFRG. Le responsable de cette société a refusé de me
donner ces précisions, au motif, je le cite, que c'est
l'affaire du défunt qui a signé ce contrat. » Après une
lettre recommandée, le frère du défunt a obtenu la photocopie de la
facture, qui était de 7.968 €, c'est à dire le montant du compte épargne
obsèques. Le 8
octobre dernier, cet autre cousin décède à son tour. Cette fois,
Elizabeth P. reste la seule à pouvoir demander des comptes. « J'ai
rencontré le responsable de cette entreprise PFRG qui, avant même que je
lui demande, a recalculé ce qui restait sur le compte de ce cousin pour
voir à combien il allait me faire l'enterrement. Et là, il est arrivé à
la somme de 8.946 €, c'est à dire une augmentation de 117% par rapport
au capital versé en 1992, qu'il a justifié par une facture extravagante.
» Une facture d'où
il ressort, notamment, un prix de cercueil de 2.700 €, des « honoraires
» de 1.815 € (formalités et représentation auprès de l'administration),
des « soins de conservation » de 865 €, et des « préparatifs obsèques »
(corbillard, porteurs, ordonnateur) de 2.260 €. « J'ai comparé avec un
devis des Pompes funèbres... Il s'élevait à 4.000 € pour les mêmes
prestations. Les PFRG prélevaient donc plus du double ! » « Le problème
dans ce système d'épargne obsèques, c'est que les descendants n'ont
aucune possibilité de discuter les prix. »
Bien plus, Elisabeth P. a dû s'acquitter d'un chèque de caution de 8.946
€ pour les obsèques de son cousin, qui a été aussitôt débité par
l'entreprise PFRG, avant même que la société d'assurances ait versé
cette somme à l'entreprise. Une opération qui demande aux héritiers le
temps de réunir certaines pièces nécessaires à ce versement.
Interrogé sur ce contentieux, le responsable des PFRG répond, concernant
la facture, que « les prix sont libres en France », et ajoute, au sujet
du chèque de caution, que « Mme P. n'avait toujours pas adressé son
certificat d'hérédité à l'assureur pour débloquer les fonds ».
Jean
Darriulat
Ce
que vous devez savoir absolument
Certaines
pratiques de sociétés de pompes funèbres peu scrupuleuses
peuvent faire - inutilement - monter la facture des
obsèques. Deux exemples, parmi tant d'autres. #
Conservation de la dépouille. Attention aux
«soins de conservation du corps» ! Sous ce terme, les
entreprises de pompes funèbres vendent en fait une injection
de formol censée être indispensable à la conservation du
corps jusqu'aux funérailles. Et surtout une opération
pouvant être facturée jusqu'à 450 €. Alors qu'une rampe
réfrigérante ou la pose de glace carbonique auraient suffi.
Seulement voilà, c'est bien moins cher ! Pis, il est déjà
arrivé qu'une société de pompes funèbres fasse procéder à
deux services de conservation (pose de carboglace et
injection de formol, 150 € + 550 €) et les facture. Alors
que là aussi, un seul aurait suffi. # Transfert du
corps. Aujourd'hui, 80% des personnes
défuntes décèdent dans un centre de soins. Sachez que
lorsque ces établissements dépendent du ministère de la
Santé, ils peuvent garder le corps trois jours et
gratuitement dans une chambre funéraire. Lorsqu'ils n'en
possèdent pas, ils peuvent transporter le corps, toujours
gratuitement , dans un autre établissement public qui en est
équipé. Donc, ne cédez pas aux entreprises qui vous obligent
à transporter le corps «le plus rapidement possible» dans
une chambres funéraire privée, moyennant 150 € à 350 €.
B.M.
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« Les contrats
obsèques, une véritable jungle »
Michel KAWNIK,
Président-fondateur de l'Association française d'information funéraire
(Afif)*
Les contrats
d'assurances permettant de financer l'organisation future des obsèques
se multiplient...
Michel Kawnik. Effectivement,
tout le monde, des assureurs aux entreprises de pompes funèbres
elles-mêmes en passant par les banques, proposent aujourd'hui des
contrats obsèques. Pour ces sociétés, c'est un gigantesque pactole. A
l'Afif, nous avons recensé environ une quarantaine de contrats de base
différents. Mais combien compte tenu des innombrables options et clauses
qui figurent sur chacun d'eux, les familles sont face à une véritable
jungle où il n'est pas facile de se décider en toute connaissance de
cause. Quels sont les principaux pièges ? Le premier
d'entre eux, c'est de croire que le contrat souscrit couvrira
automatiquement la totalité des frais d'obsèques. Aujourd'hui, ce type
de contrat appelé «décès-obsèques» est de moins en moins
proposé. Il est de plus en plus remplacé par des contrats d'assurance
vie qui prévoient de financer les obsèques seulement à hauteur du
capital disponible à la date du décès. Or, entre la date de la signature
et celle du décès, les coûts ont généralement augmenté. Attention aussi
aux contrats de prévoyance qui vous font verser une somme régulière
jusqu'à la fin de vos jours. Si, pour une raison ou une autre, vous ne
pouvez plus assurer ces versements, le contrat s'arrête et vous n'êtes
pas sûr de récupérer votre capital. Pis, vous risquez de tout perdre.
Résultat, les familles ou les proches doivent le plus souvent mettre la
main au portefeuille pour régler le solde, ou bien changer, voire
diminuer, le nombre des prestations. Enfin, un autre piège est de céder
à la pression des entreprises de pompes funèbres. Certaines profitent de
ces moments pénibles pour vendre des services pas toujours
indispensables et surtout très chers. Quels conseils
donneriez-vous ? En ce qui concerne les contrats, lisez bien
tout, et surtout ce qui est écrit en petits caractères. Préférez, si
c'est possible, le contrat qui garantit le financement total des
obsèques. Sinon, choisissez celui qui versera les intérêts les plus
importants pour essayer de compenser au moins la hausse des prix
sur les prestations. Ne pas hésiter à faire jouer la concurrence. En ce
qui concerne les obsèques elles-mêmes, ne jamais se précipiter afin de
prendre des décisions mûrement réfléchies. Demander des devis, comparez.
Faites jouer la concurrence. Les familles ont six jours ouvrables
(week-ends et jours fériés non compris) pour procéder à l'inhumation ou
à la crémation du corps.
Propos recueillis par
Bruno Mazurier
* Afif, tél. 05 46 43 44 12 ou par Internet
(www.afif.asso.fr).
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