MESSAGES
du Secours Catholique / Caritas France
n°
590 - avril 2005
(extraits)
Obsèques
Le
marché de la mort
"Piégées"
mais pas sans défense
Pour
autant, les familles "piégées", selon l'expression de
plusieurs observateurs, ne sont pas totalement sans défense. En cas de
tromperie, d'abus ou d'erreur grave, par exemple, les demandes de
réparation ou de remboursement des familles sont souvent suivies d'effet,
révèle Michel Kawnick, président de l'Association française
d'information funéraire (Afif). Il n'hésite pas à publier sur son site
Internet les plaintes de familles contre des sociétés de pompes
funèbres nommément citées(voir son interview ci-dessous).
L'une des entreprises visées, PFRG, lui intente d'ailleurs un procès.
Dans sa rubrique "Griefs" l'Afif met en cause cette société
parmi de nombreuses autres dans toute la France. L'Afif reprend dans ses
pages Internet les accusations de familles clientes de la société : « devis
gonflés », « facturations gonflées », « arnaque
», « abus de faiblesse », « encaissement abusif de chèque
de caution » (remboursé mais déduction faite d'
"intérêts")...
S'estimant victime de dénigrement et d'une baisse de 20 % de son chiffre
d'affaires, le responsable de la société funéraire demande en urgence
à la justice (référé) d'ordonner le retrait des pages Internet la
concernant et de condamner l'Afif à lui payer 60 000 euros en réparation
de son préjudice.
Dans son ordonnance de référé du 8 novembre 2004, le tribunal de grande
instance de Paris rejette ces demandes : il n'y a pas « trouble
illicite manifeste », « par conséquent, il n'y a pas lieu à
référé », décident les juges. Il n'y a pas eu dénigrement
illicite, estiment-ils. Il n'est pas « démontré » que l'Afif a
« méconnu » les obligations « de rigueur, de prudence et
d'objectivité » qui conditionnent le libre exercice du « droit
à la critique », lui même fondé sur le principe fondamental de la
liberté d'expression. PFRG persiste et assigne de nouveau l'Afif, selon
les procédures ordinaires cette fois.
D'autres familles évitent les litiges en s'informant avant de prendre
leurs décisions. Ignorantes de leurs droits, elles téléphonent en
urgence à l'Afif. Beaucoup d'interrogations portent sur la conservation
des corps : « ne signez pas d'autorisation de transfert, on ne peut
pas imposer le transport du corps vers une chambre mortuaire, le défunt
peut rester trois jours gratuitement à l'hôpital ou séjourner sans
dommage à domicile », martèle sans relâche un Michel Kawnik
" incollable" sur la réglementation funéraire.
Prélèvement
en toute irrégularité
Le
prélèvement des frais d'obsèques sur le compte du défunt -
théoriquement bloqué - est couramment pratiqué. Il suffit que sa
famille donne le nom de la banque à la société de pompes funèbres.
Cette pratique repose en fait sur une instruction interne au ministère du
Budget, datée du 9 juin 1992. Instruction détournée, selon un
fonctionnaire de la Direction de la comptabilité publique : «
L'autorisation de prélèvement sur les comptes de particuliers
s'adresse aux comptables publics et non aux banques », précise ce
fonctionnaire. De plus, l'instruction est caduque : « Elle devrait
être abrogée, le Trésor public ne tient plus de comptes de particuliers
», s'étonne-t-il.
L' "usage" ou la "tolérance" invoqués par les
banques et les sociétés de pompes funèbres repose donc sur
l'application non autorisée d'une instruction ministérielle périmée.
Non autorisée, commode, et pas tout à fait désintéressée, si l'on en
croit Michel Kawnik, le "chevalier blanc" du monde funéraire
(voir son interview ci-contre) : en cas de prélèvement, la facture
atteindra «Souvent et comme par hasard » le maximum autorisé de
3 049 euros, prévient-il. Car l'instruction n° 92-67-K1-A3 de la
Direction de la comptabilité publique a plafonné l'autorisation de
prélèvement à 20 000 francs de l'époque, soit 3 049 euros.
Site internet de l'AFIF : www.afif.asso.fr
[INTERVIEW]
MICHEL
KAWNIK - Association française d'information funéraire
"
Mensonges et manipulations"
Michel
Kawnik, président de l'Association française d'information funéraire (Afif), prend fait et cause pour les familles trop
souvent
victimes de l'opacité et des pratiques du secteur
funéraire. |
Messages
: beaucoup de familles n'arrivent pas à financer les obsèques de leurs
proches. Cela vous paraît-il normal ?
Michel Kawnik : Nous sommes confrontés à une politique de hausse
des prix continuelle de la part des entreprises de pompes funèbres. Le
manque d'information favorise mensonges et manipulations. En cas de
décès, à l'hôpital notamment, il est fréquent que l'on fasse signer
à la famille une autorisation de transfert du corps au funérarium, alors
que l'hôpital a l'obligation de garder la personne décédée pendant
trois jours, à sa charge. Et que dire d'un professionnel qui prétend que
le corps conservé au domicile va se liquéfier ! Les familles sont
piégées ! Il faudrait leur remettre systématiquement des informations
sur leurs droits, les alternatives et les coûts consécutifs à un
décès.
En
attendant, que proposez-vous pour contenir ces coûts ?
Notre charte d'agrément, signée à ce jour par une dizaine d'entreprises
de France, prévoit la remise spontanée de devis clairs et détaillés. Il
sont d'ailleurs publiés sur notre site internet. La signature de la
charte oblige également l'entreprise à présenter les différentes
alternatives de prestations sans ambiguïté. Les sociétés de pompes
funèbres s'engagent, de surcroît, à prendre en compte la situation
financière des familles : un des porteurs peut, par exemple, jouer le
rôle de chef de cérémonie. Et il n'est pas inimaginable que la famille
porte elle-même le cercueil.
Que
conseillez-vous concernant le prélèvement des frais d'obsèques sur le
compte du défunt ?
Si vous optez pour cette disposition, la facture s'élèvera souvent et
comme par hasard à 3 049 euros, le montant maximum prévu par une
instruction ministérielle de 1992. Je conseille donc de ne jamais
répondre en début d'entretien à la question "comment" ou
"qui" va régler les obsèques.
Quelle
contribution financière les entreprises que vous référencez vous
apportent ?
Elles prennent en charge les encarts de l'association dans l'annuaire,
pour un coût de 300 à 450 euros, mais je précise que nous n'avons
aucun lien de subordination avec ces sociétés. Elles savent d'ailleurs
que si nous recevons une plainte contre elles, c'est immédiatement
publié dans notre rubrique "Griefs". Par ailleurs, nous
acceptons sur notre site la publicité d'autres sociétés, qui sont des
"mécènes" de l'association.
Pourquoi
publiez-vous sur Internet les "griefs" de famille contre des
sociétés de pompes funèbres ?
Parce que nous recevons les plaintes de ces familles et pour briser la
loi du silence. Je précise que nous n'affichons les griefs qu'après
vérification des faits... Des procès nous sont intentés, mais nous
persévérons parce que cela permet aux familles d'être critiques et de
se défendre.
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