LIBERTE DIMANCHE
28 octobre 2012
La niche dorée de la crémation
BUSINESS. Plus de 30% de marge !
Dans un marché en plein boom, les entreprises privées chargées de
l'incinération font de très bonnes affaires.
Vous avez choisi de vous faire incinérer une fois votre dernière heure
venue ? Mieux vaut habiter au Havre qu'à Rouen. Le prix de la crémation
varie du simple au double. 313 euros au Havre, où le crématorium est en
régie municipale, 592 euros à Rouen, où la ville a confié la
construction et l'exploitation du crématorium aux Pompes funèbres
générales, devenue depuis 1998 la société OGF (Omnium de gestion et de
financement). Pour cette dernière, l'affaire est rentable. Ce que ne
manque pas de relever le conseiller municipal Vert Cyrille Moreau. "Pour
un chiffre d'affaire 2011 de 986.000 €, soit 32 % dénonce-t-il.
C'est
colossal ! Un résultat à faire pâlir d'envie les entreprises du luxe".
Et l'écologiste d'ajouter : "il faut savoir qu'en moyenne, les
entreprises dégagent de 1 à 3 % de résultat net après impôt"...
L'affaire est d'autant plus juteuse que la délégation de service public
(DSP) court sur 20 ans (1999-2019). Ancienne filiale de la Lyonnaise
des Eaux, OGF est détenue par une société d'investissement française,
après avoir appartenu à des fonds de pension américains. A la mairie,
l'adjointe aux finances Emmanuelle Jeandet-Mengual reconnait "Qu'OGF
gagne beaucoup d'argent, car l'activité est importante". Même si elle
tempère en ajoutant que "la redevance versée à la Ville est calée sur
la chiffre d'affaires, ce qui n'est pas le cas de toutes les DSP". Il
n'empêche "nous devons en rediscuter, car aujourd'hui le contrat est
déséquilibré". Pourquoi avoir confié le crématorium à un DSP ?
"A
cause de l'investissement, répond l'élue. Il faut faire des choix. Même
si c'est rentable à la longue, les millions que l'on met dans un
crématorium, on ne les met pas ailleurs, dans une école ou dans une
crèche par exemple. Et en attendant, le service est plutôt bien assuré"
Sur la ZAC des Deux Rivières, Gilbert Gallet, responsable de secteur
chez OGF, défend son bilan. "Il ne faut pas oublier qu'à la fin de la
concession, en 2019, la Ville deviendra propriétaire du crématorium dont
la construction a couté environ 1,3 million d'euros. Car un crématorium
ne peut pas être privé : il est soit en régie, soit en DSP. Par
ailleurs, avant de signer avec la Ville, 1.000 crémations avaient lieu
chaque année. Nous savions que ça allait augmenter, mais pas au point
d'en faire 2.000 comme aujourd'hui ! D'où ces bénéfices inespérés en
2011".
Filtres anti-pollution
Bénéfices qui devraient être moins élevés en 2012. "Toutes les 5.000
crémations, un four doit être entièrement refait. Il faut tout casser.
Cela nous a coûté 56.000 € hors taxes en avril? Nous avons aussi
embauché une personne pour élargir les horaires de crémation et éviter
aux familles des attentes trop longues", poursuit Gilbert Gallet.
Enfin, une loi de 2010 rend obligatoire d'ici 2018 la pose de filtres
antipollution sur les crématoriums. Coût de l'opération : 850.000 €.
"Notre concession s'arrête en 2019, nous sommes obligés de faire les
travaux. Nous allons donc renégocier notre contrat avec la mairie".
"Cela fait longtemps que nous demandons des chiffres précis sur le
montant de l'investissement et son impact sur la DSP", commente
Emmanuelle Jeandet-Mengual, qui promet qu'elle en profitera pour
rediscuter de la redevance, d'un montant de près de 100.000 € par an.
Gilles Mamy
L'Association française d'information funéraire aide et
conseille les familles sur les questions concernant le funéraire et les
obsèques. www.afif.asso.fr Permanence téléphonique gratuite au
01.45.44.90.03.
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