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31 octobre 2010
Se souvenir, sur une tombe ou devant une urne
Publié le dimanche 31 octobre 2010 à 06h00
Nettoyage d'automne dans les cimetières, avant le 1er novembre. Photo
L.M.
Rodolphe dit se souvenir de son père incinéré de la même façon
que s'il avait été enterré. Brigitte aussi. Pour Josiane, par contre, la tombe est un lieu de
recueillement « sacré ». Une chose est sûre : quelques jours avant la
Toussaint, tombes comme urnes sont fleuries.
BÉRANGÈRE BARRET ET JUSTINE FAIDERBE
Hugo, 7 ans, est
hyper appliqué. À peine lève-t-il la tête lorsque sa belle-mère,
Isabelle, lui tend de l'eau propre. C'est la première fois que le petit
garçon participe au nettoyage de la Toussaint. La tombe de ses arrière
grands-parents, au cimetière de Roubaix. « Il ne les a jamais connus,
explique Isabelle, mais cela ne le dérange pas de venir. Il a l'air de
le faire de bon coeur ». En prévision de la Toussaint, toute la famille
s'est déplacée sur la sépulture : Isabelle et Hugo sont aussi
accompagnés de Théo, 11 ans, et Denise, la grand-mère. « Je viens
souvent sur la tombe de mes parents, explique-t-elle. J'ai besoin d'être
avec eux ». Pour Josiane, lilloise de 57 ans, la tombe est aussi
« extrêmement importante pour se souvenir, c'est sacré ». Comme
Élisabeth, d'Hellemmes, venue préparer la tombe de son père pour la
Toussaint, elle n'aurait pas voulu « que mon mari et mes parents soient
incinérés, car j'ai besoin d'un espace assez grand pour me recueillir.
Une case dans un mur ou un simple jardin de souvenirs ne m'auraient pas
convenu ».
Le rapport au souvenir change Danielle et
Hervé, Lillois de 68 et 67 ans viennent deux fois par an au cimetière de
l'Est à Lille, à la Toussaint et au printemps, pour entretenir les
tombes de leurs parents et du frère de Danielle. « C'est un respect pour
les personnes disparues », disent-ils en chœur. Mais si Danielle a eu,
pour la première fois de sa vie, un besoin irrépressible de venir sur la
tombe de ses parents l'année dernière, alors que son frère était très
malade, ce n'est pour elle « pas indispensable de venir au cimetière
pour se souvenir des disparus. D'ailleurs, on fera autrement pour
nous-mêmes. Nous nous ferons incinérer car nous sommes sûrs que nos
tombes ne seront pas entretenues par les générations à venir. Les gens,
les jeunes, se souviennent autrement aujourd'hui ». L'incinération
comme solution à une désaffection des cimetières ? Comme solution à un
rituel d'entretien qui se perd chez les jeunes générations ?
Certainement pour Michel Kawnik, président de l'Association
d'information funéraire (l'Afif). « Un tiers des obsèques sont des
crémations, rappelle-t-il. D'une part parce que c'est 30 % moins cher
qu'un enterrement, mais aussi parce qu'il y a une évolution de la place
du souvenir ». La cause selon Michel Kawnik ? Les gens sont aujourd'hui
plus mobiles, les familles plus éclatées. On ne peut pas toujours
revenir sur la tombe de nos aïeux. « Un autre souvenir existe ». Les
columbariums, de plus en plus nombreux dans les cimetières, sont souvent
fleuris. Élisabeth pense aussi que la façon de se souvenir change
avec l'incinération, « mais cela n'empêche rien ». Brigitte, 42 ans, est
venue se recueillir sur la tombe de sa cousine à Roubaix. « Ma mère a
choisi d'être incinérée, et je pense à elle comme je pense aux autres
personnes de la famille décédées ». Idem pour Rodolphe, 37 ans. Le
Lillois dit se « souvenir de la même façon » devant la photo de son
père, apposée sur la case où se trouve l'urne, que sur une tombe. Par
contre, pour Cathy, l'incinération « c'est tellement anonyme... » La
fleuriste pense qu'avec une urne placée dans un columbarium, « les gens
ne se disent pas que c'est, par exemple, mamie qui est devant eux ».
Surtout, selon elle, « lorsque les cendres sont réparties dans un jardin
des souvenirs », généralement situés à côté des columbariums.
L'urne dans la tombe D'autres encore ont tranché. « Des
personnes choisissent d'être incinérées, mais veulent que leur urne soit
enterrée dans une tombe », souligne Michel Kawnik, de l'Afif, qui
explique aussi que « cette solution permet en plus de stocker les urnes
en nombre, et en un seul et même endroit ». Et, pour ceux qu'un
columbarium rebute, « de continuer à se recueillir sur un monument
fleuri ». Et sur une multitude de plaques mortuaires. La « grande
spécialité du nord de la France » , selon l'expert. Au point que dans le
milieu, les professionnels du funéraire appellent les tombes nordistes
« des voiliers ». Vérifié chez ce commerçant lillois. « En dehors des
stèles, mes ventes passent par l'ornement. Les gens veulent absolument
mettre sur les plaques un mot pour le défunt ». Du genre : « Tu resteras
toujours dans nos souvenirs ».
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