|
La situation particulière à ce cimetière attise des convoitises... Une caserne de pompiers, une gendarmerie ainsi qu'un service de psychiatrie fermé jouxtent cet espace de repos. Dès le début du 17eme siècle, des documents font mention d'un lieu de sépulture situé sur l'emplacement de l'actuel hôpital de Cadillac.
Le nombre de défunts ayant considérablement augmenté dans les années
1920, le cimetière communal ne pouvait plus suffire. 1014 patients
étaient décédés entre 1914 et 1918, période de la Grande Guerre. Vraisemblablement plusieurs milliers d'inhumations ont eu lieu au cimetière des aliénés entre 1922 et 2000. |
||
La parcelle rectangulaire réservée à l'inhumation des hospitalisés
mesure 135 mètres sur 35 mètres.
L'aspect général de ce champ des morts est d'une infinie désolation, certaines personnes n'hésitant pas à parler du "cimetière des oubliés, des exclus de la mémoire". Il s'agit d'un long rectangle plat de terre meuble, au sol caillouteux, irrégulier, mouvant et fortement défoncé par endroits, piqueté de centaines de croix de fer toutes semblables, rouillées et alignées au cordeau, espace grisâtre et rustique évoquant un cimetière militaire laissé depuis longtemps à l'abandon. Ne pas oublier que jusque dans les années 1950, l'absence de traitement efficace de la "folie" rendait l'internement des psychotiques chroniques souvent interminable. |
||
Poème de Paul Eluard décrivant "Le Cimetière des fous" lors d'un séjour à l'asile de Saint-Alban en 1943 |
||
Ce cimetière enfanté par la lune Entre deux vagues de ciel noir Ce cimetière archipel de mémoire Vit de vents fous et d'esprit en ruine Trois cent tombeaux réglés de terre nue Les inconnus sont sortis de prison Leur cimetière est un lieu sans raison |
||
Remerciements - au Professeur Michel Bénézech, spécialiste et grand militant pour le sauvetage de ce site de mémoire. - à l'Association culturelle Saint Blaise de Cadillac et son Président Hervé Dorian (Extraits de texte reproduits avec l'autorisation de cet organisme) - à Madame Mireille Baros, auteur des photos présentes sur cette page (son site internet) Ce cimetière est inscrit, notamment pour de son carré de poilus, dans le site des Chemins de Mémoire, grâce auquel certains d'entre-eux ont pu sortir de l'oubli et retrouver une identité et une histoire propre (site des Chemins de Mémoire) |
Réunion le 9 février 2008 à Cadillac.
De gauche à droite : F. HENRY-MORLIER, A. CHABOT, M. KAWNIK,
Dr. M. BENEZECH, C. MANDRAULT, Monsieur le guide du château de Cadillac, M.
BAJOLLE, M. BAROS, A-M BADIE, Dr. P. LE BIHAN, N. GUILLOT, A. FUARD.
Arrêté du 26 avril 2010 Portant inscription du Cimetière dit "Cimetière des Oubliés" à Cadillac (Gironde) au titre des monuments historiques
..."Est inscrit au titre des monuments historiques, le carré militaire des "Gueules cassées" ainsi que deux carrés de sépultures situés de part et d'autre dudit carré militaire et le mur de clôture du même "cimetières des Oubliés" (mur extérieurs et mur séparant le "cimetière des Oubliés" du cimetière communal). L'ensemble est situé sur la parcelle 1600 d'une contenance de 1a83ca figurant au cadastre section A et appartenant à la commune de CADILLAC (Gironde) numéro SIREN 213 300 817 00011 depuis une date antérieure au 1er janvier 1956."
Fait à Bordeaux, le 26 avril 2010
LE PREFET DE REGION
Dominique SCHMITT
Photos prises en janvier 2022
La justice déboute la commune, qui demandait l'annulation de l'inscription à l'Inventaire des monuments historiques du cimetière où l'on inhumait les malades mentaux.
Sud-Ouest du 15 septembre 2012
Entre les impératifs d'une commune qui cherche désespérément des espaces et la préservation d'un lieu de mémoire, le tribunal administratif de Bordeaux a choisi. Dans le courant de l'été, il a débouté la Ville de Cadillac qui sollicitait l'annulation de l'inscription du « cimetière des oubliés » à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Pendant près d'un siècle et jusqu'en l'an 2000, plus de 3 000 malades mentaux ont été inhumés dans ce morne rectangle de terre qui jouxte l'hôpital psychiatrique girondin, l'établissement spécialisé le plus important de la région.
Quelques croix rouillées
C'est au lendemain de la première Guerre mondiale que l'habitude a été prise d'enterrer ici les fous qui passaient de vie à trépas derrière les murs de l'asile. Les anciens combattants ayant perdu la raison dans les tranchées s'appelaient alors « les mutilés du cerveau ». Ils ont été les premiers à se fondre dans ces arpents de terre. Ils seront suivis sous l'Occupation par les centaines d'internés emportés par la famine et les privations. Bien d'autres les accompagneront ensuite pour des obsèques célébrées sans fleurs ni couronnes, dans un silence polaire.
« Il ne s'agit que de quelques croix rouillées sur des plots de béton. Mais c'est le symbole d'une époque de la psychiatrie. Il n'en subsiste plus que quelques exemplaires en France », insiste le professeur Michel Bénézech, le président des Amis du cimetière des oubliés de Cadillac-sur-Garone. Le médecin a longtemps exercé au sein de l'unité des malades difficiles de l'hôpital. Il est à l'origine de la procédure de classement menée, il y a trois ans, par la Direction régionale des affaires culturelles. Procédure dont la justice admet aujourd'hui le bien-fondé.
Un témoignage unique
« Le cimetière des oubliés représente un témoignage unique en France du traitement psychiatrique réservé aux victimes de guerre », soulignent les magistrats du tribunal administratif. De quoi justifier sa conservation, à titre de « lieu de mémoire national ». L'État n'a cependant classé que le mur d'enceinte et trois des huit carrés du site, ce qui laisse à la commune la possibilité de reprendre les sépultures en déshérence.
Le lieu ne présentant « aucun intérêt artistique ou esthétique », les juges ont estimé que le périmètre de protection de 500 mètres créé par l'inscription à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques n'était pas de nature à contrarier les projets d'urbanisme de la ville.
« Cette mesure est excessive au regard du peu d'espace constructible dont dispose Cadillac, du fait de son secteur historique, des zones inondables et des surfaces viticoles. Cela ne fera qu'ajouter des difficultés supplémentaires », déplore Me Jean Laveissière, l'avocat de la Ville.
Le maire, Hervé Taillandier de Gabory, n'a jamais caché sa peur de voir se développer un tourisme funéraire dans sa commune. Singulier, il n'en serait pas moins « légitime et inscrit dans l'histoire de la ville », selon le professeur Bénézech.
C'est sur un terrain donné par le premier duc d'Épernon, la figure tutélaire de la bastide, qu'a été édifié l'ancêtre de l'hôpital actuel. La mémoire des fous peut-elle être un outil de développement local ? Un excellent sujet de réflexion pour la 29e édition des Journées du patrimoine qui se déroule ce week-end !
Remerciements pour l'engagement des personnes, associations, entreprises et municipalités qui sauvegardent notre patrimoine et le Souvenir |