LE JOURNAL DU DIMANCHE
1er novembre 2009

 

Très chères funérailles...

Manque d'informations, dérives commerciales, mauvaise conscience… Délicat, au moment de la disparition d'un proche, de négocier services et tarifs.

Juliette Demey

Au terme de notre vie, l’addition se révèle plutôt salée. En dix ans, avec l’ouverture du secteur funéraire à la concurrence, les dépenses des familles ont bondi de 35%. "Deux fois plus vite que l’inflation", souligne François Michaud Nérard, directeur des services funéraires de la Ville de Paris. Avec 535 000 décès par an, c’est un marché de 1,7 milliard d’euros. Dans le même temps, nos habitudes ont évolué: 30% des Français optent pour une crémation, contre 1% en 1979. Plus laïques, plus écolos, les funérailles restent un tabou sur lequel on s’informe peu.

Résultat, la moitié des Français ne peuvent avancer un chiffre pour leur coût, selon un sondage Ipsos de 2008. Etonnant ? Pas tant que ça. Pour le secrétariat d’Etat à la Famille, celui-ci varie de 2 500 à 4 000 euros. Pour la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie (CPFM), ce serait 3 500 (*). En réalité, "ces chiffres n’ont pas beaucoup de sens. On conditionne les gens au fait que ce doit être cher", tacle Michel Kawnik, de l’Association française d’information funéraire (Afif).

Un cercueil est vendu ici 444 euros, là 2 918 euros…

Difficile de s’y retrouver, en effet, au regard de l’enquête de l’UFC-Que choisir de novembre 2008: un quart des opérateurs refusent d’établir un devis, beaucoup ne distinguent pas les prestations obligatoires ou optionnelles. Un cercueil est vendu ici 444 euros, là 2.918 euros… Pour une demande identique, "les devis peuvent varier de 1 586 € à 10 248 euros", indique l’UFC. Pour Michel Kawnik, on vend surtout des services inutiles au consommateur. "Dans les centres de soins, il existe un principe de gratuité de conservation des corps pendant trois jours. Mais on incite à le transférer vers une chambre funéraire privée, payante, plutôt qu’au domicile. Or, chez soi ou en maison de retraite, on peut conserver le corps pendant six jours, samedi et dimanche non compris."

La loi sur la réglementation funéraire de décembre 2008 entend imposer un "devis modèle". Testée à Orléans par le sénateur Jean-Pierre Sueur, à l’origine du texte, la formule permet une comparaison rapide entre les différents opérateurs. Problème: l’arrêté relatif à son application n’a toujours pas été publié. Jeudi, Nadine Morano a annoncé la création, en 2010, d’un guichet unique regroupant les démarches administratives à effectuer lors d’un décès. Une "Charte du respect de la personne endeuillée", qui doit protéger les proches de dérives commerciales, a été signée par une trentaine d’organismes.

Dix à 15% des familles feraient jouer la concurrence

La veille, la CPFM publiait un "Manifeste des services funéraires" pour plus de transparence. En tête de ses propositions, la baisse de la TVA à 5,5 %, qui allégerait la facture de 350 euros en moyenne. Un projet sur lequel tous les acteurs s’accordent… sauf l’Etat, pour qui le manque à gagner serait de 180 millions d’euros.

Certains ont pris les devants. Le Sifurep, syndicat mixte assurant le service des pompes funèbres de 74 communes d’Ile-de-France, a négocié un forfait à 1 251 euros. Le Service catholique des funérailles, créé en 2002 par Christian de Cacqueray propose "une offre de cérémonial ramassée, à prix fixe, avec un cercueil simple. Mais surtout un vrai accompagnement, avec un interlocuteur unique jusqu’à la cérémonie". De son côté, l’Afif martèle qu’il ne faut pas céder à la pression de l’urgence, "même si l’entreprise funéraire veut vous y pousser !". Se faire accompagner, exiger plusieurs devis, car ensuite on est bien en peine de contester ce type de facture.

Mais comment, abattu par un décès, faire jouer la concurrence ? D’après François Michaud Nérard, seules 10 à 15% des familles le feraient. On veut "le meilleur" pour l’être disparu, quitte à se retrouver dans la panade. Les villes, qui peuvent offrir des aides financières – 400 à 500 euros en moyenne –, sont de plus en plus sollicitées. "On reçoit des familles incapables d’honorer une facture de services funéraires. C’est parfois ce qui fait basculer dans le surendettement", témoigne Christian Métairie, maire adjoint d’Arcueil (Val-de-Marne). D’où l’alternative choisie par 2,29 millions de Français en 2008 : souscrire un contrat obsèques.

(*) Hors l’achat d’une concession au cimetière ou d’une place au columbarium.

< Reportage précédent        Reportage suivant >

 

Retour

Association Française d'Information Funéraire